J’ai revu Tanay. Non pas la commune française du département de la Côte-d’Or, pas plus que la municipalité éponyme de la province de Rizal aux Philippines. Pour moi, il n’existe qu’un Tanay, situé au-dessus de Vouvry dans le Chablais valaisan.
Mon Tanay, c’est un hameau, un lac, une réserve naturelle et des montagnes qui évoquent celles de la Baie d’Halong au Vietnam. J’avais découvert Tanay voici bien longtemps, sans y être retourné depuis lors. Chose faite à présent. Mon œil photographique a adoré ces retrouvailles.
Lac de Tanay
Une visite à Tanay se mérite car on y accède à pied. A partir du village du Flon, vos jambes avalent deux kilomètres méchamment pentus avant d’atteindre le col de Tanay. Vos muscles se consolent rapidement au vu du lac de Tanay – un petit bijou serti dans son écrin montagneux à plus de 1’400m d’altitude.
La sécheresse estivale de cette année a durement éprouvé les systèmes hydrologiques alpins. Tanay n’y fait pas exception. A l’automne, le niveau d’eau du lac y est exceptionnellement bas, pauvrement alimenté par une rivière asséchée. Le site conserve toutefois presque tout son charme et son attrait pour les pêcheurs et les promeneurs.
Le tour d’horizon du lac de Tanay invite à la détente, à la réflexion et à la discussion. Les pauses des promeneurs se prolongent, hésitant entre un farniente bienheureux, une séance de méditation transcendantale ou encore la refonte théorique de la géopolitique mondiale. Pour ma part, les montagnes m’appellent à poursuivre mon chemin.
Sur le flanc nord du lac, la forêt résiste vaillamment à la sécheresse ambiante, soucieuse de conserver la verdeur moelleuse de son tapis moussu. Jaloux d’un tel épanchement de chlorophylle, le lac exhibe sa gracieuse litière végétale qui tapisse l’embouchure de la rivière.
Le spectacle captive tant les représentants du bestiaire local que les humains. Qui imite qui, somme toute?
Au fait, une grotte montagneuse proche de Tanay nous a livré les traces archéologiques de la plus ancienne présence humaine décelée en Valais. Des chasseurs-cueilleurs de l’époque paléolithique y ont séjourné voici 30’000 ans.
De nos jours, la présence humaine à Tanay reste modeste. Une poignée d’individus y vivent toute l’année, alors que les autres habitations servent de résidence secondaire. Les visiteurs d’un jour ou d’un week-end sont plus nombreux, sans excès toutefois. Un vrai bonheur.
Alamont, Jumelles et Grammont
Les hauteurs minérales de Tanay qui surplombent le Lac Léman m’appellent. J’entreprends de gravir l’Alamont par un sentier à peine tracé. En pleine ascension et grâce à l’altitude, le panorama se fait majestueux.
Au sommet, le célèbre Grammont n’est plus loin. Toutefois, le double sommet des Jumelles me titille plus encore et urgemment. Un grand saut dans l’espace me transporte sur la cime de l’une des Jumelles. La vue y est encore plus spectaculaire, y compris sur Lac Léman, le Mont-Blanc et le Cervin.
Un autre grand saut et me voilà sur le Grammont, qui culmine à 2’172m d’altitude. De jeunes bouquetins femelles (étagnes) m’y accueillent, étonnamment peu effarouchées de ma présence. Les bouquetins affectionnent la pente – parois escarpées, murailles abruptes, falaises à pic. Les hauteurs du Grammont leur conviennent assurément.
L’histoire du bouquetin en Suisse comporte une anecdote piquante. La diffusion des armes à feu dès le 15e siècle à travers les Alpes décime la population des bouquetins. En Suisse, le dernier spécimen est abattu en Valais au début du 19e siècle.
La situation n’est alors guère meilleure dans les pays voisins, sauf dans le royaume d’Italie. Vers 1850, le roi Victor-Emmanuel II crée la réserve royale du Grand Paradis dans le Val d’Aoste pour sa chasse personnelle de bouquetins.
Au début du 20e siècle, les autorités helvétiques demandent l’aide italienne pour réintroduire le bouquetin dans les Alpes suisses. La requête est rejetée.
Dès lors, les autorités suisses commissionnent un individu originaire du val d’Aoste pour capturer trois bouquetins dans la réserve royale du Grand Paradis et les ramener en Valais. Les deux femelles et le mâle donnent ensuite naissance à une nouvelle population de bouquetins dans les Alpes suisses.
Le Grammont, c’est aussi et surtout le domaine des oiseaux, dont le vol se confond dans l’azur de l’air et de l’eau. Le panorama au-dessus du Lac Léman sur le Lavaux, les Chablais vaudois et valaisan y est magnifique.
La Chaumény
En descendant vers la Chaumény en direction du Lac Léman, l’élément liquide se fait plus présent encore dans une végétation automnale. A l’approche de Saint-Gingolph, la vallée de Novel appelle à poursuivre la balade sur la rive française du Lac Léman. Mais mes jambes crient grâce.
Vous l’aurez certainement compris: l’itinéraire décrit ci-dessus est imaginaire. En fait, j’ai consacré trois jours de marche suivant divers itinéraires pour visiter les lieux précités. Il y en aura pour moi d’autres journées de balade à Tanay, car j’adore cette région.
Bien à Vous,
